La
tragédie haïtienne est porteuse de sens autant que de malheur. Bien sûr, il fallait que l’humanitaire joue son rôle. Dans l’urgence. Mais cette tragédie révèle un problème politique et un enjeu
de grande portée. Il n’y a, en effet, ni fatalité, ni malédiction. Il y a avant tout les conséquences structurantes de plusieurs siècles de massacres, de dominations, de pillage, d’étranglement
financier, d’ajustement structurel… jusqu’aux promesses jamais tenues. Endettement, dépendance, pauvreté écrasante marquent durablement ce pays accablé par l’effet des politiques de puissances et
d’exploitation. Chacune des catastrophes qui le frappent – et elles n’ont pas manqué jusqu’à, y compris, ce séisme d’amplitude majeure – se traduit ainsi par une sorte d’effondrement national.
Certains états deviennent déliquescents dans des processus complexes où les guerres et les conflits jouent un rôle décisif. L’État haïtien s’effondre sous le poids d’un sous-développement total
auquel ont contribué les politiques qui lui ont été imposées, les règles du FMI et de la Banque mondiale et la nature même des relations internationales. Dans ce contexte, les chocs externes de
catastrophes implacables donnent les derniers coups de boutoir à un pays qui souffre comme jamais dans la crise mondiale. La tragédie haïtienne traduit, dans ses causes et dans la démesure de ses
conséquences humaines et sociales, les limites auxquelles ont conduit lemode de développement capitaliste et le type de relations internationales qui va avec. On peut et on doit dire qu’il faut
annuler la dette d’Haïti et même que, s’ily a une dette, le débiteur n’est pas celui qu’on croit. Il est d’abord du côté des puissances occidentales. Mais la leçon porte plus loin. Et c’est une
grande leçon. Pour un monde vivable, et pour l’exigence du développement, c’est bien d’un nouvel ordre international dont on a besoin. C’est ce que nous dit aussi, et peut-être d’abord, la
tragédie d’Haïti.
Téléchargez la lettre des relations internationales - janvier 2010