Article paru dans le journal Libération du 26/05/11
Fin de journée à la bourse du travail de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne). Le soleil tombe directement dans les yeux d’une bonne part des militants de la «cellule» communiste locale. Calés dans leurs sièges en plastique, la trentaine de fidèles est venue ce lundi soir pour débattre de l’avenir du PCF en 2012 : poursuite de l’alliance du Front de gauche aux élections et choix du candidat pour la présidentielle.
«Il ne s’agit pas que certains se sentent dépossédés», avance Anne-Marie Arnaud, la responsable. Sous-entendu : si Pierre Laurent, leur secrétaire national, a annoncé début avril sa «préférence» pour Jean-Luc Mélenchon, allié aux communistes au sein du Front de gauche, les militants PCF ont encore la parole. Débattre, comme pour accepter - résignés mais pragmatiques - de soutenir la candidature d’un non-communiste à la présidentielle. Une première depuis 1974 et le soutien du PCF à François Mitterrand. Les communistes doivent en décider, les 4 et 5 juin, en conférence nationale, puis lors d’un vote militant du 16 au 18 juin.
A Choisy, de Mélenchon, il est d’abord très peu question. On parle de DSK, de l’Espagne. «La question n’est pas de savoir comment on va à la présidentielle, fustige Jean-Joël Le Marchand, premier adjoint de la ville.Ne sous-estimons pas cette colère des jeunes. J’ai le sentiment qu’on s’en tape…» Cyril, 23 ans, se lance sur les choix des candidatures : «Jean-Luc Mélenchon ? Je ne suis pas contre. Mais à l’origine, il est du PS, même s’il l’a quitté par la gauche.» Le député PCF et pro-Front de gauche André Chassaigne ? «C’est le Robert Hue d’aujourd’hui.» André Gerin ? «La banalisation du populisme.» Quant à Emmanuel Dang-Tran : «Plus crédible mais trop sectaire.» On n’est pas plus avancé… «Je me refuserai de parler de la présidentielle en terme de personne, relaie Annick. Le PCF a tout à perdre.» La retraitée plaide pour la poursuite du Front de gauche. «Ça n’efface pas le Parti communiste, assume-t-elle. Car je vois que la crainte de l’effacement traduit de vraies angoisses.» Elle interpelle ses camarades : «Que fait-on de ces gens avec qui on a travaillé pendant les cantonales, qui font de la politique mais qui ne sont pas communistes ?»Pas de réponses…
Hélène Luc, ancienne sénatrice, prend son temps, parle ensuite de Mélenchon. «Hier à l’émission de la Cinq je l’ai trouvé pas mal… Mais il faut qu’il parle du programme.»
«On ne peut pas s’en tenir à une personne ! Il faut avoir un contenu !», lance Serge. «Le programme on en a un», lui rétorque Frédéric, barbe châtain à la Robert Hue et membre des Jeunesses communistes. Il en vient à la candidature : «Mélenchon dit : "Je n’irai pas dans un gouvernement socialiste". Ça me plaît plus.»«Mais il dit tout et son contraire», lui répond son voisin Cyril. Silencieux jusqu’ici, courbé de tout son poids sur sa chaise, Jean a la voix qui porte : «Que Mélenchon soit candidat, j’en ai rien à battre. Il faut redonner aux gens l’envie de faire de la politique. L’Espagne, l’affaire DSK… Ils viennent nous voir à la sortie du supermarché. Ils reprennent confiance. Les états-majors, c’est fini : ce tournant-là, faut pas le manquer.» Mélenchon ou pas.