Les élections régionales ne
sauraient se transformer uniquement en un référendum anti-Sarkozy : il doit aussi devenir un vote d’alternatives à long terme. Le score du Front de gauche peut ainsi modifier la nature même
du débat à gauche. Face à la France telle qu’elle est, confrontée à la plus formidable rage de destruction sociale depuis la Libération, la reconquête est autant politique que philosophique…
Le projet sarkozyste entraîne en effet le pays vers un nouveau degré d’ensauvagement, mélange névrotique entre libéralisme économique et idéologie néo-réactionnaire. Plus rien ne vient
d’ailleurs masquer la nature profonde du régime. Tous les discours du chef de l’État, sur-gonflés de références à la « nation », versent dans une autosatisfaction grotesque – l’ultime
repère des menteurs. « Notre pays va dans la bonne direction et recueillera bientôt le fruit de ses efforts », vient-il de marteler, ajoutant une référence qui laisse peu de place au
doute : « Je crois au travail et je crois à la famille. » On le voit, le néonationalisme à l’œuvre frise l’hystérie ultra-droitière. La France s’en sortirait mieux que ses
voisins ? Chacun connaît la réalité, souvent jusque dans sa chair. Tandis que la Bourse a gagné 22 % en six mois, près de 700 000 emplois ont été détruits en un an ! Le taux
de chômage officiel est au même niveau que la moyenne de la zone euro, sans parler de la masse des salariés précarisés, les exclus des statistiques… L’exacte photographie de la France ne
ressemble décidément en rien au conte narré par Sarkozy et nous sommes légitimes à accueillir avec colère le roman d’anticipation qu’il ânonne quotidiennement.
Au fond, ce n’est pas une simple « sortie de crise » qu’il convient d’imaginer, mais bien un changement de société qui refonderait un vivre-ensemble tout en élevant notre ambition
collective. En cette période de guerre sociale – pourquoi avoir peur de l’expression ? –, nous connaissons l’écueil majeur à éviter. Que la résistance à tout, qui reste une
ardente nécessité même si elle est parfois déçue, n’alimente une forme de désenchantement. Rien de pire que la peur amputée de l’espoir. En ce domaine, la responsabilité du Front de gauche pour
réinstaller de l’espérance crédible s’avère immense. Qui que nous soyons, drapés de différences, l’ici-maintenant nous oblige au rassemblement de tous ceux qui veulent vraiment que la gauche
change en bousculant l’hégémonie du PS. Devant l’urgence, il n’est pas candide de dire que ce qui nous réunit doit être plus essentiel que ce qui pourrait nous diviser. C’est juste une question
d’exigence intellectuelle et d’implication avec le mouvement social. Travailler au tout-commun, pour imposer un nouveau rapport de forces à gauche.